Auf Wiedersehen Angela !

Chaque semaine, Courrier international explique ses choix éditoriaux et les débats qu’ils suscitent parfois au sein de la rédaction. Dans ce numéro, nous avons choisi de nous arrêter sur la personnalité et la méthode de gouvernance de la chancelière allemande au pouvoir depuis seize ans, et qui quittera ses fonctions à l’issue des élections législatives du 26 septembre. Un scrutin plus qu’incertain, qui promet de longues tractations après le vote.

Qui est vraiment Angela Merkel ?

Lisez notamment le portrait très subjectif que lui consacre Die Zeit.

Elle aura marqué l’histoire allemande tout autant que l’histoire européenne. Après seize années au pouvoir, l’inoxydable chancelière quittera pourtant ses fonctions à l’issue des élections législatives du 26 septembre, qui doivent désigner celui ou celle qui lui succédera. Un scrutin qui s’annonce plus incertain que jamais. Et si les sociaux-démocrates du SPD font aujourd’hui légèrement la course en tête, à l’approche du vote, l’écart s’est resserré avec les conservateurs de la CDU-CSU.

“Même en considérant ces sondages avec prudence, la future coalition gouvernementale sera probablement composée d’au moins trois partis”, note le quotidien d’affaires Handelsblatt. Fini donc les grandes coalitions de l’ère Merkel, une page se tournera dans les prochaines semaines. Mais quand ? Peut-être pas avant la fin de l’année, estime le coprésident du parti Die Linke (gauche radicale), tant les négociations pourraient traîner. “À mon avis, Angela Merkel sera encore chancelière à Noël”, a-t-il ainsi déclaré à la chaîne parlementaire Phoenix.

Qu’importe, c’est dès ce numéro que nous avons choisi de revenir sur le parcours à part de celle qui fut la première femme chancelière en Allemagne, la plus jeune aussi à occuper ce poste, en 2005 (elle avait alors 51 ans). Parce que cette élection signe la fin de son mandat de chancelière. Et qu’il nous semblait important de marquer le coup. C’est aussi le choix de nombreux journaux étrangers, qui ont multiplié récemment les unes sur celle que de nombreux Allemands ont surnommé “Mutti” (“maman”) pour sa présence rassurante.

Depuis des semaines, nous avons réfléchi à la structure de ce numéro un peu spécial. Allions-nous dresser un bilan classique des années Merkel ? Nous avons cherché des points de vue contradictoires, des reportages, des témoignages…

Et finalement, un texte s’est imposé, que nous avions envie de partager avec vous. Ce texte, c’est celui de Bernd Ulrich, rédacteur en chef adjoint du grand hebdomadaire Die Zeit, auteur de plusieurs essais politiques. C’est un article très subjectif, une longue réflexion sur l’exercice du pouvoir.

“Ceci est un texte sur une femme peu ordinaire, sur le bien et le mal en politique, mais aussi sur une tragédie qui nous vient tout droit de l’avenir et qui, depuis quelque temps, touche aussi cette femme. On n’y parlera pas de l’influence des premières années de sa vie, mais de la méthode politique qu’elle a inventée par nécessité. Dans cette histoire, ce ne sont pas ses supposées intentions qui ont joué un rôle déterminant, mais la réalité pure et dure. C’est une belle histoire, parfois touchante. Mais une histoire qui ne finit pas tellement bien”, écrit Bernd Ulrich en introduction de son article.

Certains trouveront peut-être le propos trop hagiographique, mais il nous semble aller bien au-delà. Car la question qu’il pose à propos de la chancelière, tous ceux qui s’intéressent à l’Allemagne et à l’Europe se la sont posée d’une certaine manière, notamment en 2015. Angela Merkel est-elle une bonne personne ?

Elle a traversé (et survécu à) plusieurs crises majeures : la crise financière de 2008, la crise de la dette grecque, la crise des migrants, en 2015, la pandémie de Covid-19, en 2020, et enfin la crise climatique. “Dans ces crises, Angela Merkel est parvenue à mettre en place des changements fondamentaux, quelquefois difficiles. Elle a fait de la politique non politique, si l’on veut, mais avec succès”, estime Bernd Ulrich. À voir, mais il est intéressant de suivre le raisonnement de l’auteur.

Tout au long de ses seize années au pouvoir, Angela Merkel s’est imposée comme la femme la plus puissante d’Europe, alliant pragmatisme, sens du compromis, empathie et fermeté à la fois. Qu’est-ce qui la distingue fondamentalement des autres politiques ? En vrac, dit Ulrich, sa volonté de conciliation, son côté incorruptible, une forme de bienveillance (opportuniste, diront certains). Pour beaucoup, sa décision spectaculaire, en septembre 2015, d’ouvrir les frontières à des centaines de milliers de migrants restera comme l’un des actes fondateurs de Merkel, avec ce leitmotiv prononcé lors d’un discours resté célèbre : “Wir schaffen das” (“Nous y arriverons”).

Au moment où l’Allemagne s’apprête à tourner la page Merkel, cette réflexion sur la façon d’exercer le pouvoir, alors même que la prochaine présidentielle française, elle, s’annonce féroce, nous paraissait singulière et pertinente. À vous de juger.

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