Témoignages : elles ont la vingtaine et se sont fait ligaturer les trompes

Avoir recours à la stérilisation volontaire à visée contraceptive n’est pas un choix anodin à 20 ans. Derrière cet acte chirurgical radical et les conséquences que cela implique, des vingtenaires qui se sont fait ligaturer les trompes racontent pourquoi elles ont pris cette décision aussi jeune et les difficultés qu’elles ont rencontrées.

Lors de sa première consultation pour une stérilisation volontaire, Hélène a essuyé un refus de la part du professionnel de santé qu’elle avait en face d’elle. La raison ? Son âge. À l’époque, la jeune femme avait 18 ans et était considérée « trop jeune » pour se faire ligaturer les trompes de Fallope.

Légale depuis 2001 pour toutes les femmes majeures, nullipares ou multipares, quelles que soient leurs motivations, la stérilisation volontaire est plébiscitée par seulement 4,5% de femmes en France selon les derniers chiffres. Une proportion relativement faible par rapport au Royaume-Uni, où 8% des femmes ont eu recours à la ligature des trompes, quand elles sont 11% au Canada et 22% aux Etats-Unis à faire ce choix, selon une étude des Nations unies datant de 2013.

Si le désir de stérilisation volontaire augmente avec l’âge – il concerne 8% des femmes de 40-44 ans et 11% des 44-49 ans, selon le dernier baromètre de la santé sur la contraception, mis à jour en 2021 –, certaines femmes, autour de la vingtaine, font le choix de cette opération radicale. Contraception inadaptée, raisons écologiques, désir de non-maternité : autant de raisons qui les poussent à avoir recours à la stérilisation volontaire.

« JE NE ME SENS PAS À L’AISE AVEC L’IDÉE QUE MON CORPS PUISSE ENFANTER »
Hélène, qui a aujourd’hui 21 ans, sait depuis ses 15 ans qu’elle ne souhaite pas avoir d’enfants. Dès l’adolescence, la jeune femme s’est intéressée à la question, lorsque sa mère a eu elle-même recours à une ligature des trompes. « Je n’ai pas eu de déclic particulier pour me dire que je ne voulais pas d’enfants, je n’en n’ai juste jamais voulu. La stérilisation volontaire va au-delà d’un moyen de contraception : je ne me sens pas à l’aise avec l’idée que mon corps puisse enfanter », confie la jeune femme.

Comme elle, Agathe, 27 ans, sait depuis qu’elle est toute petite qu’elle ne veut pas d’enfants. « Dans le cadre de mon activité professionnelle, je fais des stages avec des enfants très jeunes et cela m’a confirmé que je n’étais pas du tout attiré par le fait d’en avoir », explique-t-elle. Un choix qui s’est renforcé au regard du contexte économique et écologique incertain dans lequel nous vivons. « Je ne peux pas m’acheter une maison ou faire mes courses comme je le souhaite, donc je ne veux pas avoir d’enfants dans ces conditions-là ». Même son de cloche pour Léa, 26 ans, « je me vois mal faire un enfant et le balancer là-dedans ».

Et si elles changeaient un jour d’avis ? Toutes assurent qu’elles se tourneraient alors vers l’adoption. Car derrière le désir de non-maternité, du moins celui de ne pas porter un enfant, il y a une autre problématique qui les pousse à choisir la stérilisation volontaire : un parcours contraceptif compliqué et le besoin de trouver une autre solution plus vivable.

LA STÉRILISATION VOLONTAIRE : UN REMÈDE À UNE CONTRACEPTION DÉFAILLANTE
Après avoir essayé plusieurs moyens de contraception, Agathe en est venue à la conclusion qu’aucun ne lui convenait. Pire, cela l’empêchait de mener sa vie au quotidien. « Avec la pilule, le stérilet et l’implant, j’ai à chaque fois été anémiée, et avec cette dernière méthode j’ai même eu mes règles pendant huit mois non-stop. C’est là que je me suis dit : je suis sûre de ne pas vouloir d’enfants, pourquoi est-ce que je fais subir tout ça à mon corps ? »

Pour Léa aussi, la question de la contraception est sous-jacente à son désir de stérilisation. Il y a deux ans, on lui détecte un SOPK, le syndrôme des ovaires polykystiques, une pathologie endocrinienne qui provoque un dérèglement hormonal. « Sûre et certaine de ne jamais vouloir d’enfants » et pour éviter d’avoir recours à une contraception hormonale, Léa s’est naturellement tournée vers la stérilisation volontaire.

LA « PEUR AU VENTRE »
Si de très jeunes femmes ont recours à la stérilisation des trompes, c’est aussi parce que, malgré la contraception, les risques de grossesse existent toujours. C’est ce qu’Emma Tillich, doctorante en sociologie et histoire à l’EHESS et l’université Laval, explique : « On dit souvent que l’accès à la contraception a permis d’enlever “la peur au ventre” des femmes. Dans une très large mesure, évidemment, mais pour ces femmes qui font le choix de la stérilisation, c’est aussi un moyen de s’apaiser psychologiquement vis-à-vis de la peur de tomber enceinte », détaille-t-elle.

D’après un travail qualitatif qui regroupe des entretiens avec plusieurs femmes très jeunes qui ont eu recours à la stérilisation volontaire à visée contraceptive, la chercheuse note que « ce sont aussi souvent des femmes qui ont des parcours contraceptifs extrêmement difficiles et qui ne trouvent pas d’autre solution ». Lorsqu’elles se tournent vers la stérilisation volontaire, elles sont pourtant nombreuses à se heurter à un milieu médical hostile à pratiquer l’opération en raison de leur âge.

UNE MESURE DÉFINITIVE
Lorsqu’elle formule sa première demande de ligature des trompes à sa gynécologue, Hélène a 18 ans. La professionnelle de santé n’y est pas favorable et accable la jeune fille. « Elle me disait que je ne trouverais personne pour faire l’opération puis m’assurait qu’étant célibataire cela ne servait à rien de faire une ligature des trompes », se rappelle-t-elle. Même expérience pour Agathe qui a commencé à se renseigner à sa majorité et a essuyé de multiples refus pour les mêmes raisons.

Le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français n’a pas pris de position sur la question et il n’existe pas de contre-indications à opérer de très jeunes femmes. Mais dans la pratique, de nombreux praticiens sont réticents à le faire et mettent en place des garde-fous pour s’assurer que la patiente ne regrettera pas son choix. « Lorsqu’une femme très jeune, qui n’a pas encore eu d’enfants, demande ce genre d’opération, il faut absolument être très au clair avec elle sur le fait que le recours à une stérilisation à visée contraceptive est quelque chose qui est définitif. Le délai de réflexion de quatre mois doit lui permettre d’intégrer complètement cette notion », appuie Geoffroy Robin, maître de conférence d’université et praticien hospitalier au CHU de Lille en gynécologie médicale.

« UN ÂGE OÙ LA VALORISATION SOCIALE DE LEUR FERTILITÉ EST MAXIMALE »
Pour Emma Tillich, « ces femmes qui ont entre 20 et 30 ans sont à un âge où la valorisation sociale de leur fertilité est maximale », ce qui expliquerait pourquoi certains médecins sont réticents à l’idée de stériliser une femme jeune puisque cela « peut être considéré comme mutilatoire ». D’autres refusent de pratiquer la stérilisation volontaire à visée contraceptive par peur de se retrouver attaqués en justice par des patientes qui pourraient changer d’avis après l’opération.

Geoffroy Robin estime quant à lui que le rôle d’un praticien de santé « est de comprendre ce qui motive une décision aussi radicale et ensuite de respecter ce choix une fois données toutes les informations sur les risques inhérents à la technique et sur les questions éthiques que cela peut poser en cas de changement d’avis plus tard ». Car dans la pratique, la reperméabilisation des trompes « ne fonctionne pas très bien sur le plan chirurgical », prévient le spécialiste.

« PRÊTE À FAIRE DES MILLIERS DE KILOMÈTRES »
Découragée mais pas démotivée, Hélène a fini par trouver un praticien qui a accepté sa demande, grâce à un groupe Facebook dédié aux échanges sur la stérilisation volontaire féminine. Épinglé en haut de la page, un annuaire est disponible avec les coordonnées des praticiens qui acceptent de pratiquer la ligature des trompes. Le praticien a proposé à Hélène un rendez-vous avec un psychologue et de faire étudier sa démarche par un comité d’éthique clinique. La décision de ce comité est simplement consultative, le médecin n’est pas tenu de la prendre en compte mais cela permet d’éclairer le choix de la patiente. Une démarche qu’Hélène a bien acceptée, trouvant même le compte rendu « intéressant ».

Pour Léa, la situation est plus compliquée. « Il n’y aucun professionnel de santé qui accepte de faire l’opération dans la région où je me trouve », déplore-t-elle. « Ça fait six ans que je suis avec mon mari, on vit ensemble depuis un certain temps, j’ai 26 ans, je ne vois pas pourquoi on me refuse sous prétexte que cette décision va avoir des conséquences toute ma vie durant. Faire un enfant, cela a aussi des conséquences sur une vie entière », rétorque-t-elle à ceux qui ne comprennent pas son choix. Désormais membre du groupe Facebook de renseignements sur la stérilisation volontaire, elle espère bientôt trouver un praticien qui acceptera son souhait. Comme Hélène, après plusieurs années d’errance, Agathe a persisté, « j’étais prête à faire des milliers de kilomètres pour le faire », confie la jeune femme qui a finalement pu faire l’opération à la fin du mois d’août, qui s’est bien déroulée. « J’étais sur un petit nuage tout le long de la prise en charge. C’était un moment très joyeux et très libérateur. »

SOURCE : ELLE

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