Transformer les cadavres en compost humain : aux Etats-Unis, des enterrements écolos très « tendance »
Comme cinq autres avant lui, l’Etat de New York légalise cette forme d’inhumation jugée bien plus verte pour l’environnement. Mais la pratique se heurte à des réticences.
« Je veux être un arbre quand je meurs », clame l’un des messages sur Internet. Une autre montre un joli décor de nature avec le slogan : « Compostez-moi ». La campagne lancée par les partisans de l’humusation a remporté une nouvelle victoire. L’Etat de New York vient de signer une loi qui autorise le compost humain. C’est le sixième Etat depuis 2019 à autoriser cette pratique jugée bien moins toxique pour l’environnement. Ça ne veut pas dire que les New-Yorkais pourront balancer leurs cadavres dans la caisse à compost au fond du jardin !
Le dispositif fonctionne en général ainsi : on place le défunt dans un cylindre en acier, sur un lit de luzerne, de paille et de copeaux de bois. Un système de ventilation alimente en oxygène les bactéries et micro-organismes qui assurent la décomposition en un temps record. Il faut un mois environ pour que le corps soit réduit à l’état de compost. Les restes sont ensuite triés pour enlever les implants et broyer les os, puis laissés au repos pendant un autre mois. La chaleur provoquée par le processus de réduction organique élimine apparemment la plupart des pathogènes nocifs. Chaque individu produit 0,7 mètre cube de terreau, soit 18 gros sacs. La famille peut les disperser dans son jardin ou les confier à l’entreprise de pompes funèbres qui les répandra dans un parc. « Le terreau créé restitue les nutriments de nos corps à la nature. Il régénère les forêts, capture le gaz carbonique et alimente une nouvelle vie », lit-on sur le site de Recompose, le pionnier de l’humusation.

Le défunt reste présent sous une autre forme, celle d’un arbre par exemple
Sa fondatrice, Katrina Spade, est étudiante en architecture lorsqu’elle prend soudain conscience de l’absence de choix « verts » en matière de funérailles. « La terrible vérité, c’est que la toute dernière chose que la plupart d’entre nous allons faire, c’est d’empoisonner la terre », raconte-t-elle dans une conférence. La crémation d’un seul cadavre émet plus de 220 kilos de CO2, l’équivalent d’un trajet en voiture de 800 kilomètres, et du mercure à cause des plombages dentaires, sans parler de la consommation d’énergie. Si l’on multiplie par les 2 millions d’incinérations aux Etats-Unis, l’impact sur la planète devient inquiétant. L’inhumation n’est guère mieux. Il faut des quantités de bois et de métal pour produire un cercueil, du béton pour le caveau et des litres de formaldéhyde réputé cancérigène pour préserver la dépouille.
Katrina Spade, inspirée par l’élevage où l’on enfouit sous des déchets organiques la bête morte, crée en 2014 son entreprise à Seattle. Elle se compose d’une série de réceptacles empilés les uns sur les autres, comme les alvéoles d’une ruche, qui abritent chacun une personne. Depuis d’autres entreprises ont suivi.
L’enterrement du défunt à même la terre se pratique depuis des millénaires. « La différence, c’est que le corps est vu comme une ressource nutritive qui génère une nouvelle vie. Le mort reste présent sous une autre forme, celle d’un arbre par exemple. Une sorte de réincarnation », analyse Philip Olson, professeur à Virginia Tech et spécialiste des pratiques funéraires.
L’humusation est non seulement une solution plus écolo, (quoique pas plus économique) mais aussi plus fonctionnelle. Le nombre de décès aux Etats-Unis a atteint 3,4 millions en 2021. A ce rythme, les cimetières vont vite afficher complet. Cela va prendre cependant du temps avant de devenir populaire estime le professeur Olson. Les « gens doivent s’habituer à cette pratique considérée comme bizarre et un peu effrayante. Il y a beaucoup de résistance au changement. La crémation par exemple date de 1876 aux Etats-Unis mais en 1963, elle représentait seulement 4 % des funérailles ».
Evidemment, l’utilisation de terreau humain pour engraisser pommiers ou bégonias suscite moult réactions de dégoût. Le clergé catholique de l’Etat de New York s’est opposé au projet de loi qui, selon lui, empêche de « protéger et de préserver la dignité et le respect humain de base ». « Un procédé parfaitement approprié pour retourner à la terre les épluchures de légumes ne l’est pas nécessairement pour le corps humain », qui est « le réceptacle de l’âme », affirme Dennis Poust, le directeur de la Conférence catholique. Recompose a « composté » jusqu’à présent plus de 200 personnes.