Réunion plénière du Forum de l’Islam de France
Points clés
L’administration Emmanuel Macron a adopté une nouvelle approche dans le traitement de la question de la religion islamique en France, reformulant les relations de dialogue entre elle et les représentants musulmans, en mettant fin au rôle du « Conseil de la religion islamique », qui s’appuie sur des instances nationales et des quotas politiques, et instituant le « Forum de l’islam » basé sur la représentation des personnalités et des associations locales.
La nouvelle approche française dans le traitement du dossier de l’islam pourrait porter un coup aux groupes islamiques qui ont perdu leur légitimité représentative en annulant leur présence en tant que représentant officiel et interlocuteur, et en perdant également leur rôle dans la formation des imams des mosquées, et pourraient assister à une resserrement du financement de leurs activités.
La nouvelle approche française a des répercussions négatives sur les relations de la France avec la Turquie, le Maroc et l’Algérie, car la nouvelle perception des relations de dialogue a mis fin à la force et à la légitimité des syndicats islamiques qui doivent allégeance à ces pays et les a privés du privilège de formation et d’emploi des imams, et pourraient à l’avenir restreindre leurs voies de financement externe.
Le 16 février 2023, le président français, Emmanuel Macron, a reçu à l’Elysée les membres du « Forum de l’islam en France », en tant qu’interlocuteur principal des pouvoirs publics français, annonçant la fin de l’existence du « Conseil français ». de la religion islamique », qui avait joui de ce privilège pendant deux décennies de son existence. Cette transformation officielle française, au niveau de la nature de l’interlocuteur islamique officiel, n’est pas une transformation formelle qui touche aux personnes et aux appellations, mais reflète plutôt une nouvelle approche dans l’administration publique de l’islam de la part de l’État français.
« Mettre l’Islam sur la table de la République »
Depuis le début des années 1990, la régulation du culte musulman en France est une préoccupation récurrente des pouvoirs publics, sous le règne de la droite comme de la gauche. L’installation de la population immigrée, la loi sur le regroupement familial et la marge de liberté religieuse ont progressivement fait prendre conscience de la nécessité de permettre aux musulmans, pour la plupart d’origine étrangère, de pratiquer leur religion d’une manière ouverte qui ne soulève pas la sécurité. préoccupations. Et lorsque l’activité des groupes d’islam politique s’est développée, depuis la fin des années 80, il est apparu nécessaire pour l’État d’extraire un interlocuteur qui pourrait représenter les musulmans comme c’est le cas pour les autres religions.Le ministre et homme politique français Jean-Pierre Schoffenman a ouvert cette voie. sous le slogan « Mettre l’islam sur la table de la république ». Cependant, ces tentatives se sont heurtées, d’abord, à une volonté française de traiter les deux dossiers des musulmans français comme un dossier de sécurité. Deuxièmement, les clivages sectaires et politiques des organisations et associations islamiques actives sur le sol français.
Cependant, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a réussi en 2002 à réunir huit grandes organisations islamiques sur un terrain commun pour établir un organe représentatif de la religion islamique, dans un contexte caractérisé par de nombreuses pressions sur les musulmans du monde entier après les événements de septembre 11, 2001, de sorte que le Conseil français du culte islamique s’est imposé en 2003, en tant qu’organisme indépendant visant à représenter les musulmans de France devant les autorités de l’État, et il a été formé d’organisations de différents partis politiques et idéologiques. orientations, bien qu’ils appartiennent tous à la secte sunnite, et que chacun d’eux bénéficie d’une loyauté et d’un soutien extérieur ; Le conseil comprenait huit fédérations, dont certaines représentaient des pays comme le Maroc, la Turquie et l’Algérie, tandis que d’autres représentaient des groupes islamiques tels que les Frères musulmans et le mouvement salafiste.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président Macron a commencé à reformuler la relation entre l’État et les représentants de la religion islamique, et cette transformation s’est renforcée au lendemain des attentats qui ont frappé la ville de Nice et de l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty en 2020, sous la forme d’un « réveil français radical » contre les influences étrangères sur les musulmans de France. Et contre l’influence des groupes politiques islamistes, il a lancé une démarche pratique et politique qui s’oppose à la nature du « Conseil français pour le la religion islamique », qui est contrôlée par deux courants ; Un courant fidèle aux pays d’origine des musulmans de France, et le courant des groupes islamistes, donc Macron s’est retrouvé en confrontation avec le Conseil. Le 18 novembre 2020, le président français a rencontré les dirigeants du Conseil de la religion islamique, et leur a demandé d’élaborer une « charte des valeurs républicaines » à laquelle le conseil doit adhérer, à condition qu’elle comporte une affirmation de reconnaissance de les valeurs de la république, et qu’il précise que l’islam en France est une religion et non un mouvement politique, et qu’il prévoit la cessation d’intervention ou d’affiliation avec des pays étrangers. Cependant, depuis cette époque, les composantes du Conseil sont entrées dans un état de conflit interne, avec lequel Macron s’est rendu compte que le Conseil n’était plus en mesure de jouer son rôle d’interlocuteur officiel et fiable avec l’État, et s’est dirigé vers l’établissement d’un nouveau cadre selon une nouvelle forme de représentation qui romprait avec les quotas ethniques ou politiques qui prévalaient au sein du Conseil.
A partir de 2022, la France est entrée dans une nouvelle phase du dialogue entre les autorités et les musulmans à travers la mise en place du « Forum de l’islam en France », après des mois de travail au sein de groupes de travail locaux au sein de la communauté islamique sur quatre axes : exploitation et gestion des mosquées ; la formation professionnelle et l’emploi des imams ; faire face aux actions anti-musulmanes et sécuriser les lieux de culte ; Et l’application de la loi sur le respect des principes de la République. Le nouveau forum comprend des responsables d’associations représentatives locales et des personnalités qualifiées des régions proposées par les conservateurs, tels que des imams, des personnalités impliquées dans les activités de la communauté islamique, et des représentants d’associations ou des personnalités nationales connues pour leur engagement et leur indépendance intellectuelle. Ses travaux s’articuleront autour de : l’élaboration d’un guide à l’usage des associations et lieux de culte islamiques sur les dispositions de la loi qui consacrent le respect des principes de la République, la mise en place d’un groupe de contact avec les pouvoirs publics pour traiter de la question de la sécurité des lieux de le culte et les actions antimusulmanes, la constitution d’une autorité religieuse chargée de nommer les imams en France et la mise en place d’un cadre légal pour l’emploi des imams formateurs ; Enfin, travailler sur la gestion transparente du financement des activités des associations et des mosquées.
répercussions internes
Sur la forme, mettre fin aux travaux du «Conseil de la religion islamique» et le remplacer par le Forum de l’islam porte un coup direct aux groupes politiques islamistes en France, notamment les Frères musulmans, la Tablighi Jama’at, les salafistes et les Turcs. Les islamistes (Millai Gorush), car ils étaient présents au sein de ce conseil, et ils étaient considérés par l’État comme un interlocuteur officiel, constituant comme le reste des composantes une forme de légitimité, à travers laquelle ils trouvèrent une large coopération en France sur le partie des institutions publiques de l’Etat, et même des institutions locales élues. Quant au contenu, le dévouement du forum et les missions qu’il assumera s’inscriront dans la continuité de la politique contre l’islam politique, que le président français mène depuis un certain temps.
Parmi les nouvelles tâches que le Forum entreprendra, il s’agit de monopoliser la question de l’embauche et de la formation des imams de mosquées, coupant ainsi l’herbe sous le pied des groupes islamiques, en particulier les Frères musulmans, qui sont actifs dans le domaine de la formation des imams à travers un réseau de centres de formation. , et ainsi ils avaient un fort capital symbolique représenté dans l’emploi d’Imams dans de nombreuses mosquées en France détiennent des idées et une démarche politique qui défend la Confrérie, ce qui leur permet d’utiliser les mosquées comme espaces de mobilisation populaire et d’obtenir des dons matériels, et séduire les jeunes groupes et les générations à travers le réseau d’enseignement de la langue arabe et des principes de l’islam aux enfants. Quant à la deuxième tâche, et la plus dangereuse pour le groupe islamique, c’est la surveillance par le forum dans l’avenir de la transparence du financement des associations et des mosquées, qui est une question épineuse, car ces groupes dépendent pour une grande partie de leur financement de les associations religieuses et les mosquées qui leur sont associées, que ce financement soit interne ou externe.
Dès lors, les répercussions potentielles d’une consécration du forum comme interlocuteur officiel de l’État semblent majoritairement négatives pour l’ensemble des groupes islamiques à orientation politique en France, car cela pourrait constituer à moyen terme un élément influent dans le comportement politique des groupes politiques islamistes et organisations en France, vers davantage de recul et de désescalade contre l’État, car il constitue un obstacle à la liberté de mouvement et d’activité des groupes à caractère sectaire.
répercussions externes
Les répercussions externes de cette nouvelle approche française à l’égard des représentants de l’islam ne sont pas moins importantes que ses répercussions internes, puisque trois composantes principales du conseil religieux dissous doivent allégeance, organisationnellement et financièrement, à des pays étrangers. L' »Assemblée des musulmans de France », qui compte une large représentation d’associations et de mosquées islamiques, doit une loyauté évidente à l’État marocain, qui pompe environ 6 millions d’euros par an pour financer les activités religieuses des Marocains en France auprès de l’Autorité Hassan II. Fondation, depuis sa création en 1990.
Il y a la « Grande Mosquée de Paris », qui jouit d’une grande légitimité historique, et possède un réseau d’associations et de mosquées qui lui sont affiliées dans toute la France estimé à environ 250 institutions civiles et religieuses, et emploie environ 150 imams, soit environ 10% des imams en France, et la plupart d’entre eux reçoivent leurs salaires de l’Algérie. Et il a un institut pour la formation des imams, et sa loyauté est déclarée à l’État algérien.
Quant au Comité de coordination des musulmans turcs en France, c’est une organisation turque qui regroupe en son sein des centaines d’associations et de mosquées, environ 250 institutions.C’est le bras français de l’Union islamique turque pour les affaires religieuses, qui est administrativement et financièrement affiliée. à la Présidence des Affaires religieuses turques.
Ce revirement risque de provoquer une nouvelle tension dans les relations entre Paris, l’Algérie, le Maroc et la Turquie, déjà tendues depuis un certain temps.